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mercredi 24 mars 2010

Allemagne, nous manges-tu notre croissance ?

Alors que les polémiques sur l’Allemagne, sa compétitivité, ses bas salaires vont bon train, j’ai voulu en savoir plus sur le système Allemand avec l’exemple concret d’un ami travaillant dans l’industrie automobile-outre-Rhin.

Travaillant dans l’industrie automobile, c’est le puissant syndicat de la métallurgie « IG Metal » qui régit une bonne partie des contrats de cette industrie. Première surprise lorsque l’on est embauché dans ce secteur, suivant son niveau de responsabilité, on peut se voir proposer deux types de contrats.

Contrats « au tarif »

Une de deux possibilités de contrat est dite « au tarif ». Dans ce cas, le travail est payé à l’heure et la grille salariale est négociée et gérée par le syndicat. Il y a douze niveaux de 1 à 12 ayant chacun deux sous niveaux A et B. Au bout d’un an et demi de sous niveau A, l’employé passe automatiquement en B. Les sous niveaux sont donc des niveaux d’ancienneté.

Pour chaque niveau et sous niveau un salaire correspond. Les augmentations de la grille sont négociées par le syndicat chaque année normalement. Si pour 2010 ils n’ont pas négocié d’augmentation étant donné la crise économique, pour 2011 l’augmentation de la grille sera de 2,7%.

Les employés au tarif peuvent être embauchés à 35h ou 40h. Dans le cas d’un contrat à 40h le salaire est plus élevé de 12,5% pour tenir compte du nombre d’heures travaillées en plus. C’est l’employeur qui décide. En revanche, en Allemagne, lorsque l’on parle de 35h ou 40h ce sont de vraies heures car les syndicats passent dans les bureaux et usines pour « vider » les éventuels récalcitrants. Une badgeuse est obligatoirement mise en place afin de traquer les heures qui dépassent. Nous pouvons compter sur la rigueur Allemande pour faire respecter à la lettre les horaires.

Pour chaque niveau, une fiche de définition de poste est obligatoirement définie, elle permet de définir précisément les tâches et périmètres de chaque poste.

En plus de ces subtilités de contrat une autre subtilité vient se glisser : Le contrat de travail peut être annuel ou mensuel. Une des principales différences est le nombre de mois de salaires prévus (12, 13, 14 mois par an). Le montant de la grille en tient compte.

En plus des salaires prévus dans la grille, deux primes annuelles sont possibles. Une prime personnelle correspondant à une récompense pour une performance exceptionnelle. Cette prime est assez rare. Le deuxième type de prime est une prime graduelle qui diminue si la grille augmente pour finalement s’équilibrer.

Les contrats « hors tarif »

Dans ce cas l’employé n’est plus payé à l’heure mais à l’objectif. Le salaire est donc le résultat d’une négociation personnelle et le nombre d’heures n’est plus décomptabilisé et ne donne donc pas droit à des récupérations. Il y a tout de même une limite légale de 10h par jour maximum mais peu vérifiée, le syndicat se désintéressant un peu de cette catégorie supérieure. Contrairement à la France, pour tomber dans cette catégorie avantageuse pour les entreprises, et afin d’éviter les abus, un salaire minimum est défini : il s’agit du salaire de la tranche 12B +35% pour les contrats annuels et 12B +30,5% pour les contrats mensuels. Ainsi par exemple un contrat annuel 12B de 35h est à 73 629€ (84147€ pour 40h). Pour pouvoir être au forfait comme le sont les cadres en France, il faut donc au moins avoir un salaire annuel de 73 629 + 35% = 99399 K€ ! De plus, toute augmentation de la grille « pousse » automatiquement les salaires plancher des hors forfait, les augmentations sont donc également au minimum garanties d’être au même niveau que celles des employés au tarif.

Quelles sont les différences avec la France ?

En France, il n’y a pas de grille négociée dans la métallurgie. Une tentation forte de mettre tout le monde « cadre » afin de passer le personnel en hors forfait a pour conséquence de dévaloriser le titre de « cadre » et de rendre corvéable à merci des catégories entières d’employés mal payés. Il y a bien une jurisprudence en cas d’abus d’horaires associés à un salaire normal (ou faible) mais cela ne s’applique éventuellement que lors d’un passage aux prud’hommes, donc lorsque le conflit est plus ou moins irréversible. En Allemagne, il y a un salaire minimum élevé afin de pouvoir basculer dans la catégorie des corvéables à merci. C’est d’ailleurs assez frappant, les bureaux Allemands sont désert vers 16H30 tandis que certaines rares personnes restent tard ce sont les « hors tarif ». Une des dérives du système est de proposer à des personnes au salaire proche du 12B un contrat hors tarif, mieux payé en apparence, mais lorsqu’on le reporte à l’heure réellement travaillée, il est souvent moins avantageux. Le phénomène existe en France entre privé et public.

Si les salaires semblent plus rationnellement gérés en Allemagne et plus hauts également (plus ou moins 25% à fonction égale), les impôts sont aussi plus importants pour un employé. C’est difficile à comparer mais on peut considérer que les impôts sont entre 30 et 100% plus élevés qu’en France. Le prélèvement de l’impôt sur le revenu est effectué sur le salaire brut. Les écarts de salaires suffisant pour que, même à impôts plus élevés les Allemands gagnent souvent un peu plus que les Français…

Pour l’employeur Allemand, c’est l’inverse, il paye tout compris 12% de moins qu’en France !

Le cadre de vie est bien meilleur qu’en France, le respect des 35h (ou 40h), la propreté des villes, la richesse apparente du pays, le dynamisme des petites villes où petits commerces côtoient activités sportives nombreuses sont un plus. Si l’Allemagne est le pays de Lidl, Aldi et autres Schlecker, cela reste des points de ventes à taille humaine et les hypermarchés n’ont manifestement pas tout envahis comme en France maintenant en vie les centre ville de toutes les villes du pays, y compris les toutes petites. Ce dynamisme des petits commerces est sûrement un bouclier contre le chômage également.

Nous entendons souvent que l’Allemagne est un pays cher, ce n’est pas vrai en général, cela dépend en fait des régions. Globalement le coût de la vie est similaire voir parfois plus bas qu’en France. Les restaurants sont moins chers par exemple. En revanche, la taxe automobile (vignette régionale) existe toujours et n’est pas donnée (exemple 330€ par an suivant les régions). La mutuelle peut être privée ou publique avec des tarifs et modes de fonctionnement très différents. On ne peut pas cumuler les deux ni passer de l’un à l’autre après un choix initial. La mutuelle publique permet l’accès à des prix bas (exemple un détartrage de dents à 55€ au lieu de 300€ avec la mutuelle privée) mais génère des dérapages. Ainsi une personne qui tente de prendre un rendez-vous médical se voit systématiquement poser la question de la mutuelle privée ou publique. Si la mutuelle est publique, il faut parfois attendre des mois, si la mutuelle est privée c’est beaucoup plus cher mais le rendez-vous est obtenu sous quelques jours. C’est un peu la même dérive qu’en France lorsque dans un hôpital nous voulons prendre rendez-vous avec un professeur dans le cadre de l’hôpital ou en consultation privée mais généralisé à tous types d’actes sans choix possible (autre que le choix initial privé/public). Si la mutuelle publique protège toute la famille, la mutuelle privée ne protège que le souscripteur et il faut donc payer en plus pour femme et enfants. La mutuelle est globalement plus chère qu’en France bien que ce soit difficile de comparer. Un prélèvement de 200 à 300€ par mois pour une mutuelle privée est l’ordre de grandeur.

Conclusion

Si ces données ne concernent que le secteur de la métallurgie, dire que les salaires sont plus bas qu’en France est sûrement faux. Le niveau de vie est clairement plus élevé et pour s’en convaincre il suffit un peu de voyager dans le pays. L’industrie n’y est pas décimée comme en France, et les nombreuses usines et sites industriels qui jalonnent la campagne Allemande témoignent de la grandeur actuelle de son industrie. Les raisons de cette situation florissante sont nombreuses : nombreuses PME solides, grosses industries tenues principalement par de riches familles qui manifestement respectent plus l’industrie locale que les actionnaires. Les droits de succession sont aussi beaucoup plus raisonnable ce qui évite de morceler le patrimoine et d’éviter que de nombreuses entreprises familiales tombent aux mains d’actionnaires juste pour payer ces droits. Le type d’industrie à faible concurrence et forte valeur ajoutée est également un atout. Ainsi, nul besoin de fustiger l’Allemagne pour améliorer notre performance mais d’en copier les principaux atouts : Droits de succession faibles, aide au développement de toute les PME indépendamment de leur taille au détriment des grosses entreprises, aide à la recherche, aide à l’export… Nous avons de nombreux atouts que l’Allemagne n’a pas : sécurité sociale pour tous à un prix raisonnable, plus forte démographie (l’Allemagne manquera bientôt d’ingénieurs et de main d’œuvre)…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ne pas oublier qu'en Allemagne l'immobilier (logement) est raisonnable il n'a pas augmenté de 170 a 250 % en 10 ans comme en France, ces 10 dernières années.

Anonyme a dit…

remarques pour Munich:
1) munich et sa region est environ 10% -cher que Paris a cause du loyer tres eleve (en comparaison du reste de l Allemagne)
2) la difference salaire brute avec la France est en effet d environ 30% mais en vrai net (- impots et securite sociale), cette difference se reduit a 2-3, voire moins de salaire net pour l allemand.
3) il n ya aucun avantage fiscal en Allemagne si l on a des enfants, a la difference de la France
4) la securite sociale privee est par tete: donc une famille avec 2 enfants paye 4 securite sociale, est chere et augmente avec le temps. environ 200-300€/mois car 50% du total pris en charge par l employeur. au total PAR ADULTE, environ 400-650 € et par enfant environ 150/180€ (505 pris en charge par l employeur)
5)ne pas oublier que les retraites sont a 65ans et reculees jusqu a 67 ans
69 il n y a pas de salaire minimum en allemagne (SMIG)

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